Føroyar
Il n'y avait rien devant eux qu'un horizon, et tout derrière eux. Dans de petits bateaux en bois, les premiers explorateurs repoussés d'un rivage aux confins de l'Irlande, de l'Écosse ou de la Scandinavie, propulsé pour sauter du bord de la terre, dans l'inconnu. Qu'est-ce qu'ils cherchaient? Étaient-ils exilés, ou à la recherche d'une terre à eux, gagner leur liberté ou faire passer le mot ? Après des jours en mer, ils auraient aperçu quelque chose qui sort de la mer, ou peut-être ont-ils vu un oiseau de mer. L'horizon n'était plus vide, leur vue remplie de falaises et de cheminées marines, et des montagnes qui ont explosé du fond volcanique de l'océan. Le terrain est rocailleux, stérile et presque entièrement sans arbres. Ces gens robustes ont amené des moutons avec eux, font encore partie de l'alimentation de base des féroïens aujourd'hui (Føroyar est directement traduit par « les îles des moutons »). Mais sous leurs coques, la mer se tordait de vie :cabillaud, églefin, patauger, requin, calamar, baleine, et maquereau. Les oiseaux de mer envahissaient les falaises. Macareux, fou de bassan et fulmar. Peut-être que tout ce dont ils avaient besoin était devant eux, sur cet archipel montagneux de l'Atlantique Nord tumultueux.
Tunnels et bacs, tunnels et chaussées. Nous conduisions, cinq d'entre nous, à l'île de Kalsoy, l'un des 18 de cet archipel. Nous avons quitté notre petite cabane en bois, empaqueté dans la camionnette, et est allé chercher une évasion. Rien n'est trop loin aux îles Féroé. Une heure ou deux et vous pouvez atteindre les extrémités de la plupart des doigts tentaculaires des îles. De Klaksvik, nous avons traversé le détroit sur un car-ferry et avons atterri sur le long, mince Kalsoy, surnommé «la flûte». Population :150. Ici les routes sont étroites, et les tunnels à voie unique sont longs de kilomètres et encore plus étroits. Nous avions une destination en tête :le phare de Kallur à l'extrême pointe nord. Nous étions arrivés la veille dans l'obscurité, et ce n'est qu'aujourd'hui que le véritable drame des îles Féroé a pris forme.
La pluie a déferlé et a disparu; les nuages ont étouffé les montagnes au-dessus de nous, révélant parfois une netteté de bec de macareux. Des sentiers s'étalaient à flanc de colline, et nous sommes restés élevés, viser les restes d'une petite maison ou d'une bergerie. Après une pause, nous avons continué à grimper sur les crêtes, comme des côtes de la montagne centrale que nous traversions. Alors que nous nous levions, nous avons commencé à voir les îles au-delà.
Foroyar, ou les îles Féroé en anglais, a explosé hors de l'Atlantique au cours de la période paléogène il y a environ 60 millions d'années. Les îles forment souvent de longs prismes triangulaires, contrairement à tout ce que j'ai vu auparavant. Des lignes horizontales sont rayées par des rochers noirs qui divisent les collines vertes. Chaque ligne représente un événement volcanique qui a ravagé les fonds marins de l'Atlantique, dont nous ne pouvions imaginer l'ampleur. Ce sont les cendres des éruptions volcaniques, plus doux que le basalte, qui tombe en laissant ces marques.
Alors que nous montions plus haut, s'élevant le long d'une pente d'herbe apparemment bénigne, nous pouvions voir le phare très photographié à quelques centaines de mètres à l'ouest. Nous avons atteint le point culminant et avons été alarmés par la chute qui a cédé la place à l'Atlantique qui bat les rivages et les falaises en dessous de nous. Fous de Bassan, goélands et fulmars tournaient dans le vide. À l'ouest de l'autre côté de l'Atlantique à 62˚ se trouvait le Groenland ; Au-delà de ça, L'île de Baffin et le passage du Nord-Ouest.
Nous avons marché le long de la crête, étroit comme un banc de parc, au phare où nous nous sommes abrités du vent et avons mangé nos sandwichs. Par ce point, le soleil perçait plus régulièrement les nuages tourbillonnants, révélant la falaise derrière nous. Au-delà, sud et nord, les sommets des îles Féroé sont apparus, s'assombrir à l'horizon. La terre ne s'est pas progressivement élevée hors de l'océan. Au lieu, il fendait l'eau comme un aileron de requin émergeant de la surface. Lorsque ces premiers colons sont arrivés dans un petit bateau en bois, ils auraient pensé que c'était une terre impitoyable. Une carte en relief du niveau de la mer des îles de Ferro, dessiné par le navigateur français Yves-Joseph de Kerguelen-Trémarec, montre les imposantes colonnes de basalte formant montagne après montagne.
Les îles Féroé se situent à mi-chemin entre la Norvège et l'Islande. Les Shetland et les Orcades sont les voisins habités les plus proches à environ 300 km, mais cet archipel éloigné était inhabité jusqu'au 5ème-7ème siècle. L'histoire des premiers habitants est aussi trouble que ses eaux, mais il est admis que les moines irlandais ont d'abord touché terre, peut-être avec des gens d'Écosse et de Scandinavie. Føroyar est devenu d'une importance stratégique pour les territoires vikings après que les Normands ont commencé à arriver à partir d'environ 800 après JC. Ils ont établi un parlement et une capitale à Tórshavn. Aujourd'hui, les îles Féroé sont un pays autonome au sein du Royaume du Danemark. Inspiré par le mouvement d'indépendance réussi en Islande, un sentiment similaire semble se répandre parmi les Féroé. Les partisans de l'indépendance évoquent la possibilité du pétrole, et l'industrie qui fait vivre une grande partie des habitants aujourd'hui comme au 6ème siècle :la pêche. C'est un pays défini plus par l'océan environnant que la terre elle-même.
Magni Blástein décapite la morue d'un simple coup de lame dentelée. La tête tombe dans un bac en plastique tandis qu'il glisse le gros corps dans un autre. Magni est notre capitaine. C'est un calme, homme sans fioritures, pratique, En fait, mais toujours avec un sourire ironique se faufilant au coin de sa bouche. Je lui fais confiance tout de suite. Il est le capitaine d'un petit bateau de pêche et nous emmènera dans l'Atlantique pour, espérons-le, attraper de la morue pour notre dîner.
Nous sommes équipés de gros engins de pêche et nous nous sentons intouchables contre la pluie battante. Magni sort la tête de la timonerie tandis que nous sortons du port à toute vitesse. « Nous allons attraper beaucoup de poissons aujourd'hui, je pense, ' il dit, souriant. La pluie passe à l'est et le calme revient dans la baie. Magni arrête le navire, et nous chargeons les hameçons de crevettes.
Peu de temps après, le premier d'entre nous sentit l'attraction de quelque chose sur la tige. C'est glissant, tampon plat, petit mais assez grand pour manger. Le crochet est retiré, le tampon a rapidement tué et la tige a été rechargée. Une autre touche, et un autre. « Nous voulons de la morue, ' s'exclame Magni, toujours souriant, et nous nous dirigeons plus loin vers la mer. En soulevant un peu l'appât du fond, nous attendons patiemment. Je sais tout de suite que c'est une morue. Il me faut toutes mes forces pour l'enrouler, et je suis nerveux à propos de ce qui est sur le point de sortir de l'eau noire. La morue en colère, un peu moins d'un mètre de long, se retourne et se contorsionne. Magni attrape un hameçon et le tire. J'enfonce mes doigts sous ses branchies pour saisir et retire l'hameçon de sa bouche. Magni me tend un couteau, et je le retourne et lui coupe la tête. Le corps fait quelques flips puis il est réduit au silence.
Une vague de nausée monte brièvement en moi alors que je fixe cette belle bête que je viens de tuer. Le motif vert, comme les contours d'une carte, brille au soleil. Avant que j'aie le temps de réfléchir davantage, Magni a mis une autre crevette sur l'hameçon. 'Bon travail, va en chercher plus.’ Je le fais – trois de plus, et jetez quelques petits en arrière.
Alors que nous regagnons le rivage, J'ai la chance de discuter avec Magni. Entre les bouffées de son cigarillo, il me raconte la vie aux îles Féroé. « 70 à 80 % de notre nourriture vient de la mer ou de la terre, ' il dit. « Nous mangeons du fulmar rôti ce soir. » La saison de chasse au fulmar a lieu pendant une semaine en août, lorsque les gros jeunes peuvent être facilement attrapés. Ils remplissent leurs congélateurs et profitent de l'oiseau le week-end. On mange aussi des macareux et des fous de Bassan, mais j'ai l'impression que le fulmar est un favori.
Comme nous l'avons vu, l'abondance du poisson signifie qu'il constitue une grande partie de l'alimentation. Mais c'est la chasse à la baleine qui suscite la controverse mondiale. Selon Magni, si un groupe de globicéphales est aperçu au large des côtes, la communauté doit être alertée. Les bateaux de pêche se réunissent alors pour conduire les baleines dans une baie étroite où elles sont abattues. C'est une pratique qui a été critiquée par des groupes tels que la Sea Shepherd Conservation Society pour sa cruauté et le fait que les Féroé peuvent désormais vivre autrement. Les niveaux élevés de mercure dans la viande de baleine sont également préoccupants.
« Selon la taille de la capture, tout le monde dans la communauté reçoit une part égale de la baleine. S'il y a plus, nous commençons à le distribuer aux communautés voisines, ", explique Magni. La viande de baleine apparaît également dans les restaurants haut de gamme de Tórshavn. J'attends qu'il parle de tradition, mais comme beaucoup j'entends sur ces îles, il est infailliblement pragmatique. Dans notre monde moderne de caisses sonores et de notifications WhatsApp, le besoin de se reconnecter est de plus en plus présent. Zut, c'est pourquoi je suis aux îles Féroé. Mais quand j'en ai parlé à des féroïens, ils m'ont regardé comme si j'étais un peu déséquilibré. C'est une communauté, un moderne, reliés par des tunnels et des téléphones portables, mais c'est aussi celui qui vit de son intelligence et de ses compétences. Pour beaucoup, il n'y a guère besoin de se « reconnecter », pas lorsque 70 pour cent de votre nourriture a été attrapée par vous ou quelqu'un que vous connaissez.
Sur le chemin du retour à la cabane, nous nous arrêtons à Saskun, un hameau entouré sur trois côtés de hautes chutes. En dessous se trouve une lagune et un détroit étroit qui mène à l'océan en contrebas. Les petites maisons et les huttes ici ont d'épaisses, toits d'herbe, un style que nous avons vu parsemé autour des îles. Une église blanche se trouve près de la falaise qui tombe dans l'eau en contrebas. Cet amphithéâtre naturel est presque trop beau pour être visité. Des cascades se jettent dans de profonds ravins dans le lagon, les falaises tombent dans la mer, et une plage blanche parfaite apparaît à marée descendante. Nous marchons et nous nous demandons jusqu'à ce que nous ayons froid et retournons dans notre cabine chaude.
Je ressens une pointe de culpabilité que nous ayons attrapé plus de poisson que nous pourrions manger, nous en déposons donc chez nos voisins les plus proches. Ils sont reconnaissants pour le transport. Nous déposons la morue sur une planche à découper et, avec beaucoup moins d'expertise que Magni, le fileter et le faire frire simplement dans du beurre. On se serre tous les cinq autour de la table dans notre petite cabane en bois, chaud du vent extérieur, et savourez un repas de morue et de frites maison.
Depuis notre cabane à la pointe sud-est de l'île d'Eysturoy, nous pouvons voir les lumières de Tórshavn alors que le ciel s'assombrit. Les sommets et la mer commencent à s'estomper dans le noir à l'ouest. Directement au sud-est se trouvent les Shetland. Les chalutiers prennent la mer, le sillage dans l'océan noir d'encre clapotant sur le rivage. Ce sera une autre nuit froide sur l'Atlantique avec seulement l'horizon devant eux.
